[Note de l’administrateur de ce blog : il y a quelques mois, je reprenais régulièrement des articles d’Antipresse, un repaire de mal-pensants cultivés répandant leur fiel numérique via une lettre d’informations hebdomadaire. Puis, le Drone est arrivé et avec lui l’accès payant, sauf pour le numéro zéro, à cette bouffée d’oxygène littéraire – mais pas que littéraire. L’esprit critique et la logique, donc les fondements même de l’activité scientifique qui est la mienne, y sont en effet constamment cultivés avec soin et brio.
J’ai déjà vanté cet hebdomadaire nécessaire, et je continuerai à le faire. J’encourage tous mes lecteurs à le soutenir – et surtout à se faire plaisir – en souscrivant un abonnement comme je l’ai fait ; espérons que le nombre d’abonnés finira par atteindre le seuil suffisant pour une diffusion de ce petit bijou sous une forme imprimée, à l’ancienne. Marre des écrans, fussent-ils à quinze trillions de couleurs et autant de mégapixels.
Aujourd’hui, ayant reçu ma livraison dominicale du Drone, je ne peux m’empêcher de vous en livrer un article tant il colle à ma pensée, et tant j’aurais aimé l’avoir écrit. Son auteur, Slobodan Despot, citoyen suisse d’importation serbe, est plus français que les meilleurs français comme tous ceux qui le sont par amour de cette langue. Il est donc d’autant plus révolté par la passivité des Français “de papier” – ceux qui n’ont rien fait pour l’être, à part naître – face à la dégringolade vertigineuse de leur pays dans le domaine qui jadis le caractérisa le mieux : la liberté.
Je ne peux que déplorer comme lui “l’infinie arrogance de la caste dirigeante française, de ces intellectuels de cour, de ces administrateurs de châteaux de cartes, de ces journalistes de succion, de toute cette basse-cour de pans sans queue et de crevettes vexées en tailleur qui continuent de parader comme s’ils avaient le monde à leurs pieds”. Et constater avec lui que “depuis le 11 septembre 2001 — et bien plus tôt dans ses sphères moins visibles — le monde atlantique est entré dans une spirale du mensonge.”
Moralité : soutenez cette parcelle de France réfugiée en Suisse, abonnez-vous !]
Une lettre ouverte à Georges Bernanos
«Le désir de l’ennemi est précisément que nous renoncions à comprendre.» (Bernanos)
Cher et vénéré Maître Georges,
I
Vous étiez au Brésil quand votre pays, la France, a été occupé par les nazis. C’est de là-bas que vous avez pris votre part à la Résistance, par l’arme privilégiée de l’homme de lettres, sa plume — qui chez vous, comme chez toutes les grandes âmes, écrit non avec de l’encre, mais avec votre propre sang. Vous avez dénoncé la lâcheté, la décrépitude et les compromissions des castes gouvernantes de votre pays, ne vous résignant pas à voir la patrie des libertés devenir une sociologie de servitudes. Vous avez vomi «les entremetteurs et les casuistes, les intellectuels pourris, les vieillards macérés dans l’impuissance et la rancune comme un cadavre dans les aromates».
A qui m’adresser aujourd’hui, sinon à vous qui avez pris le chemin de l’exil après Munich, cette trahison des élites françaises «économiquement et moralement asservies à un système et à un monde hostile»? A vous qui avez entretenu jusqu’au bout l’espérance en une France irréconciliable de par sa nature avec la civilisation androïde qui s’annonçait, en une France contre les robots ?
Cher et vénéré Maître Georges, vous qui avez noyé de lumière mystique mes grandes lectures d’été avec votre curé Donissan, votre Mouchette, vous qui avez osé regarder en face le crépuscule de la spiritualité française avec Monsieur Ouine, vous qui êtes un modèle de courage et de droiture parmi les rampants — revenez !
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