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Vaccins, ensembles et probabilités

Cet article est dédié à Gilbert Deray, qui a affirmé dans un tweet que je ne savais pas lire le rapport cité dans mon article du 21 juin.

Quand j’avais 5 ans, au cours préparatoire, mon institutrice nous enseignait les “mathématiques modernes” sur le sol en linoléum de notre salle de classe en préfabriqué en traçant à la craie des ensembles dans lesquels nous devions placer des objets en fonction de leur forme et de leur couleur. Nous y apprenions alors les notions de réunion et d’intersection : l’ensemble des carrés verts était l’intersection de l’ensemble des carrés et de celui des objets verts, mais l’ensemble des carrés était la réunion des ensembles de carrés rouges, de carrés verts et de carrés bleus (de mémoire, il n’y avait que 3 couleurs ; s’il y en avait aussi des jaunes il fallait évidemment les ajouter).

En dehors de considérations futiles du genre “j’ai envie de sortir en boîte” ou “j’ai envie de prendre l’avion pour les vacances”, les questions que chacun devrait se poser pour savoir s’il a intérêt ou non à se faire vacciner contre la COVID-19 sont :

  1. Le vaccin est-il sûr ?
  2. Le vaccin est-il efficace ?

Pour la question 1, nous avons déjà vu à la lumière des données du VAERS que rien n’est moins certain, particulièrement si l’on prend en compte l’absence de recul temporel sur les effets secondaires.

La question 2 mérite d’être précisée : s’agit-il d’éviter une infection (ou de minimiser la probabilité d’être infecté), même sous ses formes légères voire absolument impossibles à détecter sans moyens biochimiques (les fameux “cas asymptomatiques”), ou seulement d’éviter les formes graves de cette infection, et surtout bien évidemment, celles conduisant au décès ?

Vu la réponse expérimentale apportée à la question 1, il semble naturel de plutôt mettre l’accent sur les formes graves et les décès, car il paraît bien risqué de vouloir éviter quelques désagréments passagers au prix d’un remède préventif qui pourrait être pire que le mal.

Or, quand on juge de l’utilité d’une vaccination, on se pose implicitement, même si on est allergique aux mathématiques, une question de probabilité conditionnelle : on se demande si l’on a vraiment moins de (mal)chance de tomber gravement malade ou de décéder sachant qu’on est vacciné, par rapport à la même question, sachant qu’on n’est pas vacciné. Et il est souvent utile, pour résoudre ce genre de problème, de se représenter les différents cas possibles sous formes d’ensembles, comportant pour certains des parties communes (des intersections non vides).

C’est l’objet du petit dessin en début d’article, qui vise à représenter graphiquement une partie des données du tableau 4 issu du document que nous avions déjà utilisé dans un article précédent, et que je reproduis encore ci-dessous :


Nous allons nous intéresser uniquement aux données encadrées en rouge, c’est-à-dire aux nombres de cas du variant “delta” et aux nombres de décès pour, respectivement, les personnes non vaccinées et celles qui ont eu leur deuxième et dernière dose depuis plus de 14 jours. Ces chiffres vont nous permettre, d’une part d’estimer l’efficacité du vaccin en conditions réelles, et d’autre part de voir si ce vaccin en vaut la peine pour la diminution de la mortalité.

Dans notre petit dessin à la craie, nous avons tracé un grand ensemble appelé UK qui représente, non la totalité de la population du Royaume-Uni, mais uniquement celle qui est soit pas du tout vaccinée, soit complètement vaccinée contre la COVID-19. Cet ensemble est divisé en deux parties : V désignant l’ensemble des personnes (entièrement) vaccinées, et NV désignant celui des personnes non vaccinées. Le tableau reprenant des données au 14 juin, et pour des personnes totalement vaccinées depuis au moins 14 jours, nous devons rechercher le nombre de personnes totalement vaccinées au 31 mai ; différentes sources nous disent qu’il y avait 37,9 % de la population du Royaume-Uni entièrement vaccinée le 31 mai 2021, ce qui fait, pour un pays de 67,9 millions d’habitants, environ 25,7 millions de personnes. Quant aux personnes non vaccinées, puisqu’au 14 juin les vaccinées (1 et 2 doses) représentaient 61,6 % de la population, les sujets non encore piqués constituaient 38,4 % de la population soit 26,1 millions de personnes environ. Nous avons donc déjà les nombres d’éléments – les mathématiciens diraient les cardinaux – des ensembles V et NV.

À l’intérieur de l’ensemble UK, nous pouvons tracer l’ensemble I des personnes infectées par le variant “delta”, qui est à cheval sur les ensembles V et NV puisqu’il y a à la fois des personnes totalement vaccinées (au nombre de 4 087) et des personnes non vaccinées (au nombre de 35 521) qui ont été infectées.

Puis à l’intérieur de l’ensemble des infectés, nous pouvons tracer l’ensemble des personnes décédées, noté D, puisqu’il faut avoir été infecté pour décéder de la COVID-19. Comme l’ensemble I, il est à cheval sur les ensembles V et NV puisqu’il y a eu des morts dans les deux “camps”.

Attention ! La représentation graphique n’est pas du tout “à l’échelle”, la taille des différents ensembles n’étant pas du tout représentative du nombre d’éléments qu’ils comportent. Il s’agit seulement de pouvoir visualiser les inclusions (par exemple, D est nécessairement inclus dans I) et les intersections des ensembles (le fait qu’une partie des vaccinés soit décédée, par exemple).

Avec tout ce qui précède, nous pouvons maintenant compléter notre dessin en y inscrivant les cardinaux des différents ensembles, donnés par le tableau ou obtenus par addition de deux nombres (par exemple, le cardinal de l’ensemble D est égal à 34 + 26 = 60) :

Il devient maintenant plus facile d’estimer les probabilités conditionnelles dont nous parlions. Mais attention, commençons par une mise en garde : lorsqu’on parle de probabilités, on fait comme si les éléments d’un ensemble étaient tous équivalents, et qu’on fait un tirage au hasard parmi ces éléments. Par exemple, on supposera que tous les individus de l’ensemble “vaccinés” sont équivalents, et que tous ceux de l’ensemble “non vaccinés” le sont aussi, et on s’identifiera à l’une ou l’autre de ces catégories pour en déduire telle ou telle probabilité, comme celle d’être infecté ou celle de décéder. Or en matière de santé, c’est un raisonnement grossier, pour ne pas dire faux : énormément de facteurs entrent en jeu, et il n’est pas sûr du tout que la classification “vacciné ou non vacciné”, dont on tente de nous faire croire qu’elle est essentielle, soit le déterminant le plus important. Bien d’autres facteurs, certains contre lesquels on ne peut rien (l’âge, le sexe…), d’autres pour lesquels on peut beaucoup (l’alimentation, l’hygiène de vie…) sont sans doute aussi déterminants, voire davantage, pour déterminer la probabilité d’être infecté ou de mourir d’une maladie, que le fait d’être vacciné ou non contre cette maladie.

Il est particulièrement important de garder en tête cette limite au raisonnement : ce n’est pas parce que certains vous disent en permanence à quoi il faut penser que la classification qu’ils vous imposent est réellement importante pour la question posée. Mais puisque c’est ainsi que fonctionnent les évaluations de l’efficacité des vaccins, en mettant dans le même sac des individus que tout oppose et en faisant comme si le vaccin pouvait être le paramètre déterminant qui effaçait tous les autres, soyons aussi bourrins que les chercheurs de l’industrie pharmaceutique et utilisons les chiffres officiels de Public Health England pour en tirer quelques conclusions.

Commençons par rappeler la définition de l’efficacité d’un vaccin. Pour cela, il faut d’abord définir ce qu’on appelle le taux d’attaque (TA) d’une épidémie ; c’est le rapport entre le nombre de personnes infectées (n_{I}) et le nombre de personnes susceptibles de l’être (n) pendant la même période :

    \[ TA=\frac{n_{I}}{n} \]

Bien entendu, ce taux d’attaque peut être défini pour divers sous-ensembles (fonction de l’âge, du sexe, du lieu d’habitation etc.) et dans le cas qui nous concerne, on en définira un pour les personnes entièrement vaccinées (noté TA_{V}) et un autre pour les personnes non vaccinées (noté TA_{NV}), sachant qu’on espère le premier inférieur au second. Voyons ce qu’il en est :

    \begin{eqnarray*} TA_{V} & = & \frac{4\,087}{25,7\times10^{6}}=1,59\times10^{-4}=0,0159\,\%\\ TA_{NV} & = & \frac{35\,521}{26,1\times10^{6}}=1,36\times10^{-3}=0,136\,\% \end{eqnarray*}

Avant même d’aller plus loin, on peut déjà remarquer deux choses :

  • le taux d’attaque est très faible, même chez les non vaccinés, pour la période étudiée (du 1er février au 14 juin 2021) ;
  • le taux d’attaque est nettement inférieur chez les vaccinés, chose attendue si l’on pense que le vaccin est efficace.

L’efficacité E du vaccin se définit de la façon suivante :

    \[ E=\frac{TA_{NV}-TA_{V}}{TA_{NV}} \]

Ainsi un vaccin qui donnerait un taux d’attaque nul chez les vaccinés (quel que soit celui chez les non vaccinés1) aurait une efficacité de 1, ou 100 %. Inversement, si le taux d’attaque est identique dans les deux populations, l’efficacité du vaccin est nulle. Cette formule nous donne ici :

    \[ E=\frac{1,36\times10^{-3}-1,59\times10^{-4}}{1,36\times10^{-3}}=0,88=88\,\% \]

Le vaccin2 est donc bien efficace pour réduire le risque d’infection… dont il faudrait quand même donner une définition précise pour que ce calcul ait un sens. Le document cité, qui totalise les “cas” obtenus par séquençage et par génotypage, ne donne pas beaucoup d’indications sur la quantité réelle de virus retrouvée chez les patients, ni sur la gravité de leurs symptômes. Or si le taux d’attaque d’une épidémie de tuberculose ou de varicelle a une signification assez claire, dans le cas d’une maladie où beaucoup de “malades” ne sont détectables qu’avec des moyens biochimiques de haute technologie, c’est déjà plus discutable…

Par contre, l’état mort ou vivant des patients étant une donnée peu contestable, on peut s’intéresser aux risques de décéder de l’infection, pour les deux catégories “vacciné” et “non vacciné”. On va d’abord calculer la fraction de personnes décédées dans chacun des groupes (personnes infectées vaccinées et personnes infectées non vaccinées), ce qui est une simple donnée objective appelée taux de létalité ; pour les vaccinés on obtient :

    \[ f_{D,V}=\frac{26}{4\,087}=6,36\times10^{-3}=0,636\,\% \]

et pour les personnes non vaccineés :

    \[ f_{D,NV}=\frac{34}{35\,521}=9,57\times10^{-4}=0,0957\,\% \]

On remarque que la fraction de personnes décédées de la COVID-19 est plus de 6 fois (6,65 fois) plus élevée chez les personnes vaccinées que chez les personnes non vaccinées. Mais attention, cela ne signifie pas en soi que le vaccin est inutile (voire dangereux). Il faut en effet tenir compte de l’efficacité du vaccin à éviter l’infection.

Mais avant cela, rappelons une chose importante : si le calcul des fractions de personnes décédées dans des ensembles clairement définis est purement factuel, la traduction de ces fractions en probabilités ayant une signification pratique (celle qui intéresse tout le monde : quelles sont les “chances” que j’ai de décéder si je chope cette saleté, sachant que je suis vacciné, ou au contraire que je ne le suis pas) est une interprétation très discutable. En effet cela revient à considérer que le facteur qui prime sur tout le reste est l’appartenance à tel ou tel ensemble, et que tous les éléments d’un des ensembles ont à peu près les mêmes “chances” de décéder.

C’est à l’évidence faux : bien d’autres facteurs que la vaccination ou la non-vaccination jouent, certains de façon très importante, comme l’âge, le sexe, l’hygiène de vie, les antécédents médicaux etc. et surtout… le fait d’être correctement soigné ou pas une fois qu’on contracte la maladie ! Néanmoins, puisque c’est sur la base de ce raccourci très discutable entre fraction de personnes décédées dans une population, d’une part, et probabilité de décéder si on appartient à cette population, d’autre part, qu’est axée toute la communication autour des vaccins, jouons le jeu de cette simplification abusive.

Nous avons vu que l’efficacité du vaccin (son aptitude à éviter l’infection) était de 88 % selon les chiffres de l’étude, ce qui est une autre façon de dire que le rapport des taux d’attaques (encore appelé risque relatif d’infection) est de 1 – 0,88 = 0,12 :

    \[ \frac{TA_{V}}{TA_{NV}}=\frac{0,0159}{0,136}=0,117\approx0,12 \]

La “probabilité de décéder du variant delta de la COVID-19 sachant qu’on est vacciné” (avec tous les guillemets nécessaires), qu’on notera p_{D,V}, s’obtient en multipliant la probabilité d’être infecté par celle de décéder une fois infecté :

    \[ p_{D,V}=1,59\times10^{-4}\times6,36\times10^{-3}=1,01\times10^{-6} \]

c’est-à-dire à peu près une chance sur un million ; et celle de décéder sachant qu’on n’est pas vacciné s’obtient de la même manière :

    \[ p_{D,NV}=1,36\times10^{-3}\times9,57\times10^{-4}=1,30\times10^{-6} \]

C’est-à-dire un peu plus d’une chance sur un million (30% de plus), ce qui au vu des chiffres très faibles de décès, et compte tenu des limitations dans leur interprétation mentionnées plus haut, n’est même pas réellement significatif. On peut également retrouver ces chiffres directement en partant des effectifs des sous-ensembles de D (26 et 34), de V et de NV :

    \[ p_{D,V}=\frac{26}{25,7\times10^{6}}=1,01\times10^{-6} \]

    \[ p_{D,NV}=\frac{34}{26,1\times10^{6}}=1,30\times10^{-6} \]

mais faire un détour par le taux de létalité et l’efficacité est important afin de bien comprendre que ni l’efficacité d’un vaccin, ni le taux de létalité d’une infection dans la population vaccinée, ne donnent à eux seuls une information sur l’intérêt ou pas de se faire vacciner pour en éviter les formes graves potentiellement létales (et ceci en supposant, bien sûr, que le vaccin est parfaitement sûr).

En résumé, si l’on applique les raisonnements statistiques habituels aux chiffres de cette étude, la vaccination au Royaume-Uni, bien qu’efficace contre l’infection au variant delta, n’a pas apporté d’amélioration statistiquement significative en termes de risque de décès pour ce variant. Les données présentées par le Pr Raoult dans sa vidéo du 29 juin ci-dessous semblent conduire à une efficacité nettement inférieure (il parle au début de la vidéo d’un “taux de protection réel entre 60 et 80 %”), mais il ne s’agit pas des mêmes données…

Remarque : depuis la rédaction de l’article du 21 juin, une mise à jour des données a été fournie par les autorités britanniques, le tableau 4 couvrant dorénavant une semaine supplémentaire, du 1er février au 21 juin 2021. On peut donc répéter l’analyse avec les nouvelles données3, et on pourrait même – ce que je n’ai pas fait – l’affiner par âge puisque le tableau divise maintenant la population en deux groupes, plus et moins de 50 ans. Par contre la mention précisant que la catégorie pleinement vaccinée a reçu ses deux doses depuis plus de 14 jours a maintenant disparu ; je suppose qu’elle reste néanmoins valide.

Avec les nouvelles données les effectifs des ensembles sont maintenant les suivants4 :

Ce qui donne une efficacité du vaccin inchangée :

    \[ E=\frac{2,18\times10^{-3}-2,57\times10^{-4}}{2,18\times10^{-3}}=0,88=88\,\% \]

et des “probabilités de décès” dans les groupes pleinement vaccinés et pas du tout vaccinés, respectivement :

    \[ p_{D,V}=\frac{50}{28,2\times10^{6}}=1,77\times10^{-6} \]

    \[ p_{D,NV}=\frac{44}{24,7\times10^{6}}=1,78\times10^{-6} \]

C’est-à-dire exactement les mêmes à 0,6 % près. Et bien sûr, répétons-le, il s’agit de risques de décès de la COVID-19, pas à cause de complications survenues après la vaccination.

Il semble plus que jamais nécessaire de s’arrêter pour réfléchir plutôt que d’accélérer à l’approche du mur, et de ne pas faire une confiance aveugle aux propos de certains “experts” affirmant que les vaccins sont très efficaces pour éviter les formes graves et les décès, et moins efficaces pour éviter l’infection5. Surtout quand des fabricants de vaccins eux-mêmes – qui ne risquent rien puisqu’ils ont obtenu des gouvernements de ne pas être responsables en cas de pépin – laissent échapper quelques perles.

Mise à jour de 22 h 15 : Selon Gilbert Deray ma lecture du rapport britannique est toujours “très mauvaise”. Il me renvoie sur les déconneurs décodeurs du Monde pour mon éducation, lesquels tirent parti de la nouvelle information que je signalais, disponible dans le rapport n°17 et absente dans le rapport précédent, à savoir le découpage de la population en deux tranches d’âge de plus et moins de 50 ans.

Qu’à cela ne tienne, regardons les chiffres en tenant compte de l’âge, qui risquent de confirmer ce que je disais plus haut : le paramètre “vacciné” n’est peut-être pas le seul à prendre en compte si l’on veut estimer pour soi-même les risques de décéder de la COVID-19.

Dans le groupe des plus de 50 ans non vaccinés, 38 personnes sur 976 touchées par le “variant delta” sont décédées, soit 3,9 %.

Dans le groupe des plus de 50 ans totalement vaccinés, 50 personnes sur 3 546 touchées par le “variant delta” sont décédées, soit 1,4 % ; c’est presque 3 fois moins (2,76 fois).

Il est donc clair, malgré une imprécision statistique due à des effectifs réduits, que la vaccination a eu dans cette tranche d’âge, et en supposant qu’elle n’a pas apporté d’effets indésirables graves qui pourraient induire à terme des décès par d’autres causes, un effet bénéfique sur la mortalité des personnes infectées.

De plus, puisqu’il faut tenir compte, comme nous l’avons montré ci-dessus, de l’efficacité du vaccin pour connaître la “probabilité de décéder” réellement pertinente pour une population qui n’est pas infectée à 100 % (loin de là), l’avantage pour le vaccin est encore plus manifeste. En supposant l’efficacité du vaccin égale dans les deux tranches d’âge (ce qui demanderait certainement à être raffiné), un risque relatif d’environ 0,12 pour les vaccinés par rapport aux non vaccinés entraîne que la probabilité de décéder pour le groupe des vaccinés (infectés et non infectés) est environ 2,76/0,12 = 23 fois plus faible. L’article du Monde, en faisant appel à d’autres données, parle6 de “presque 20 fois”, ce qui est cohérent avec l’idée que l’efficacité de la protection vaccinale diminue chez les sujets âgés.

Oui mais… si le tableau devient tout de suite plus rose pour les “plus de 50 ans” (catégorie très vague, mais on fait avec ce qu’on a), serait-ce qu’il devient plus sombre pour les moins de 50 ans ? Reprenons les calculs pour les “jeunes” :

Dans le groupe des moins de 50 ans non vaccinés, 6 personnes sur 52 846 touchées par le “variant delta” sont décédées, soit 0,01 % (tremblez, covidistes !).

Dans le groupe des moins de 50 ans totalement vaccinés, aucune personne sur 3 689 touchées par le “variant delta” n’est décédée, soit 0,00 %. Mince ! Le vaccin serait-il donc une protection absolue contre la mort chez les moins de 50 ans ?

Reprenons nos esprits et estimons le nombre de décès auquel on pourrait s’attendre dans le groupe des “jeunes” vaccinés si la proportion était la même que dans celui des “jeunes” non vaccinés. Une simple règle de trois suffit :

    \[ 6\times\frac{3\,689}{52\,846}=0,42 \]

Ah, évidemment… difficile de faire des statistiques de mortalité avec un effectif aussi réduit ! Les 6 personnes décédées sur 52 846 infectées dans le groupe non vacciné constituaient déjà un cas extrêmement limite, mais là, ce que l’on démontre, ce n’est pas que le vaccin protège les moins de 50 ans de la mort, c’est plutôt qu’il est inutile (voire dangereux, mais pour d’autres raisons) dans ce groupe, au moins pour l’immense majorité qui ne souffre pas de comorbidité particulière, ce qui est quasi certainement le cas pour les 6 malheureux qui n’ont pas survécu. Et que s’occuper de cette minorité-là (déjà, en la soignant dès les premiers symptômes avec les traitements disponibles !) serait bien plus intelligent que d’imposer à tous une ligne Maginot vaccinale.

Retenons donc de cette mise à jour, comme je le disais un peu plus haut, que la classification des données imposée dans une argumentation n’est pas neutre et qu’il est nécessaire dans un débat de savoir imposer la sienne propre pour pouvoir avancer. Ce qui peut aussi se faire en tendant de petits pièges… utiliser l’énergie de l’adversaire, ce n’est pas valable qu’en arts martiaux. Pour le débat sur l’efficacité des vaccins – que ce soit pour éviter une forme grave de la maladie ou un décès – on ne répètera jamais assez que cette efficacité est mesurée par rapport à des patients non traités. Voilà pourquoi il est si important de marteler qu’il n’existe aucun traitement et que Raoult est un fou dangereux isolé dans son laboratoire.

Enfin, pour terminer, ne soyons pas trop durs avec Le Monde : non seulement pour une fois, ses décodeurs ne font pas dans la propagande de très bas niveau mais avancent des arguments qui se tiennent à peu près7 et montrent, même s’ils ne le disent pas, qu’une vaccination généralisée ne tenant pas compte de l’âge est une monumentale ânerie (et pas seulement pour de bêtes histoires de chiffres : voir les explications très pédagogiques de Christian Vélot sur l’utilité pour les personnes fragiles de laisser le virus circuler sans vaccination chez celles qui ne le sont pas), mais on trouve aussi dans le même journal des articles d’actualité qui montrent combien le mal qui a été fait aux enfants est ignoble. “On” a sacrifié les vieux, puis les jeunes… à qui le tour ? Stop ou encore ?

  1. Cette remarque est importante car l’efficacité tout court ne nous renseigne pas sur la réduction utile (absolue) du risque mais seulement sur la réduction relative. Or un vaccin même 100 % efficace (et sûr) n’a aucun intérêt quand le risque est nul ! Il est d’usage de parler de réduction de risque absolu et de réduction de risque relatif, mais pas de faire une distinction entre efficacité absolue et efficacité relative, l’efficacité étant implicitement la réduction de risque relatif. C’est bien dommage…
  2. Ou les vaccins utilisés au Royaume-Uni, c’est-à-dire ceux de Moderna, de Pfizer/BioNTech et d’Oxford/AstraZeneca
  3. Pour ceux qui aimeraient refaire l’exercice plus tard sur de nouvelles mises à jour, elles sont disponibles à partir de cette page.
  4. La proportion de la population du Royaume-Uni entièrement vaccinée le 7 juin 2021 est de 41,6 %, et celle ne l’étant pas du tout le 21 juin 2021 est de 36,4 %.
  5. “What we know with the vaccines, is that they are actually remarkably effective at preventing hospitalizations and deaths; they are less effective at preventing infection.”
  6. avec une grosse erreur de rédaction : “une personne non vaccinée âgée de 50 ans” au lieu de “une personne non vaccinée âgée de plus de 50 ans”.
  7. La mauvaise foi implicite de la dernière phrase doit tout de même être appréciée à la lumière du petit calcul ci-dessus.

5 commentaires sur “Vaccins, ensembles et probabilités

  1. A note l’imprécision potentielle des données :
    1) un décès d’une personne vaccinée sera-t-il systématiquement estampillé Covid-19 (le médecin n’exclut-il pas d’office cette cause face à un vacciné)?
    2) les tests PCR sont par législation (cfr pass sanitaire) bien plus courants sur les non vaccinés

    1. Vous faites bien de le préciser en effet ! Je l’ai souvent répété dans d’autres articles, mais il faut toujours se poser la question de la qualité des données brutes avant d’en tirer des conclusions, et il est clair que dans cette histoire ça laisse souvent à désirer.

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