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Comment ne pas lire Dialogues désaccordés ?

dialogue[Mise à jour 11 mars 2016 : depuis ce jour, en France zone occupée, ce livre est interdit à la vente. Raison de plus pour courir acheter et lire d’autres ouvrages d’Alain Soral, comme bien sûr Comprendre l’Empire mais aussi Vers la féminisation ? ou Chroniques d’avant-guerre, pour comprendre à la fois ce que cet écrivain a de visionnaire et combien la cabale qu’il subit est digne d’un État totalitaire.]

La “justice française”, qui ne mérite plus ni ce substantif ni ce qualificatif, puisqu’elle sert aujourd’hui de police politique pour des lobbies et des intérêts de puissances étrangères, a interdit la vente du livre d’Éric Naulleau et Alain Soral, Dialogues désaccordés, par une décision du 11 février 2016. Ayant acheté et lu ce livre par le passé, je peux confirmer que cette censure, digne de la Roumanie sous Ceaușescu et sollicitée par Pierre Bergé, ne repose sur absolument rien de recevable. Pour autant, et même si je peux considérer qu’acheter le livre avant sa date de retrait (10 mars 2016, minuit) constitue un acte de résistance civique tout à fait sain, je conseillerais plutôt à mes lecteurs qui ne l’ont pas encore lu d’économiser les 16 euros qu’il coûte pour les consacrer à un autre ouvrage, comme par exemple le remarquable Comprendre l’Empire, ce qui leur permettra même d’économiser 50 centimes.

En effet, si le livre n’est pas inintéressant, il n’est pas à proprement parler “écrit”, puisqu’il s’agit simplement d’un échange de courriels entre Éric Naulleau et Alain Soral (Naulleau posant des questions, Soral y répondant), sans véritable structure, et sans même une table des matières qui permette de s’y retrouver. Certains lecteurs potentiels, ne connaissant pas Alain Soral (plus exactement, ne connaissant que son image médiatique totalement fabriquée) seraient peut-être tentés de “commencer” par Dialogues désaccordés avant d’oser lire Comprendre l’Empire, histoire de dire qu’ils ont acheté un bouquin de Naulleau et non un bouquin de Soral, vu la réputation abominable qui poursuit cet auteur ; eh bien, ils auraient tort ! Car s’ils veulent goûter à la précision, à la concision et à la rigueur de la prose d’Alain Soral sans ses sautes d’humeur et ses emportements verbaux, c’est Comprendre l’Empire qu’il faut lire !


Ceci n’est pas un sketch… mais il y a pourtant de quoi hurler de rire !

Les énervements de ce boxeur des idées sont d’ailleurs très compréhensibles dans Dialogues désaccordés, tant Naulleau ne parvient pas à se hisser à la hauteur du match, se contentant de protester mollement ou de botter en touche face aux arguments travaillés et rationnels de Soral. On mesure aujourd’hui à certaines pages combien ce livre (sorti en 2013, donc avant “l’affaire Dieudonné”) peut être cruel pour Naulleau ; ainsi pp. 21 et 22, lorsque Soral se plaint de la dégradation du débat intellectuel en ces termes :

Je crois que sur ce sujet on dit à peu près la même chose. J’en reviens encore à la sociologie et à l’économie. N’oublions pas que la littérature est aussi un commerce. Un petit commerce de luxe par et pour la bourgeoisie (comparable pour son chiffre d’affaires à celui de la fleur coupée) dont le critique est un rouage. Il remplit la fonction du commercial !

Un : il ne peut pas trop cracher dans la soupe, sinon elle cesse de le nourrir.

Deux : le néolibéralisme anglo-saxon à l’œuvre en France contre l’âme française – ses humanités – depuis le plan Marshall, et pire encore depuis Reagan, a tellement fait le ménage pour faire taire toute protestation depuis le milieu des années 80 – le dernier à incarner cet esprit français fut, à mon avis, Jean-Edern Hallier (pas le Hallier des romans, celui de L’Idiot international) – qu’il n’y a pratiquement plus, dans le milieu du livre, que des vendus fatigués qui susurrent comme Philippe Tesson ou Jacques Julliard et des crétins qui parlent fort comme Régis Jauffret !

En réponse, Naulleau commence par s’offusquer :

Pas touche à Philippe Tesson !

Écrirait-il la même chose aujourd’hui, après que le vieillard hystérique a montré son vrai visage lors de l’affaire Dieudonné, en appelant publiquement à l’élimination physique de l’artiste par peloton d’exécution ?

Alors Éric, “pas touche” ou “on tire la chasse” ?

Certaines prudences de politesse ne résistent pas à l’épreuve du temps, qui est celle de la vérité.

Mais inutile, donc (sauf pour le geste anti-censure), d’acheter un livre qui tient plus du bloc-notes que de l’essai politique : mieux vaut se faire une bonne idée de son contenu, gratuitement, par une interview des deux auteurs qui est une image assez fidèle de ce qu’on peut y trouver. Le site ActuaLitté a consacré le 19 février un article à la censure du livre, et nous renvoie par la même occasion vers une vidéo du 20 novembre 2013 que je reprends ci-dessous :

Elle est amplement suffisante pour comprendre que jamais Naulleau ne parvient à marquer de véritables points face à un Soral peut-être cassant, mais surtout intellectuellement beaucoup mieux armé. La raison n’a que faire du caractère agréable ou pas d’un orateur ou de toutes sortes de considérations psychologiques qui  servent aujourd’hui à castrer les débats. Soral ramène sans arrêt la discussion là où elle devrait être (est-ce vrai ou faux ? est-ce cohérent ou incohérent ? est-ce juste ou injuste ?) quand Naulleau, même s’il s’en défend, ne fait qu’habiller de bienséance des idées communément admises mais jamais réellement fondées sur le plan de la raison ou de l’éthique. Et c’est bien sans doute ce qu’on lui reproche : non pas d’avoir “dîné avec le diable”, mais d’avoir montré par l’absurde que ce diable n’en était pas un, et que la contradiction qu’il prétendait lui apporter n’en était pas une.

Mais au fait, qu’est-ce qui, dans ce livre, a pu motiver la demande d’interdiction adressée à la justice française par le militant gay Pierre Bergé ? Il s’agit de trois phrases aux pages 61 et 62, que voici. Alors que Naulleau termine une argumentation sur “Disparition du concept même de gratuité, tout sera bientôt à vendre.”, Soral renchérit en ces termes :

Voilà effectivement comment il faut aborder la question. Il ne s’agit pas de liberté ou d’égalité abstraites, mais de l’extension à tout : objets, humains, organes… de la logique du marché. Comme l’a bien rappelé Pierre Bergé avec sa fameuse phrase sur la mère porteuse qui vend son ventre comme le prolétaire vend ses bras, nous sommes tous à Pierre Bergé ! Sans que le vieux sodomite ne nous dise jamais, d’ailleurs, ce qu’il compte faire du gosse ! Mais puisqu’il l’a acheté, n’est-ce pas, ça ne nous regarde plus !

Voilà ; vous avez maintenant toutes les raisons de ne pas lire Dialogues désaccordés. Mais si vous tenez vraiment à faire un geste contre la censure, avant le 10 mars…

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