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Travaux dirigés (corrigé, 1/3)

high-chancellor-r-oLe 11 septembre dernier, nous prenions connaissance du scénario proposé par Stan Lee Kubitainer pour le prochain épisode de son thriller politico-fantastique. Il est temps maintenant de savoir quelles remarques le conseiller scientifique Dimitri Stahleier a pu lui faire afin de maximiser le succès de la série. Car c’est bien connu, les meilleurs films fantastiques sont ceux qui tiennent le mieux compte des contraintes de la physique, et non ceux qui s’en affranchissent librement.

Voici donc les commentaires de Dimitri Stahleier. Cependant, ses développements techniques étant un peu longs, nous n’en verrons aujourd’hui que la première partie, la suite sera donnée dimanche prochain et la fin, une semaine plus tard.


1. La fausse attaque aérienne diffusée par la PUTE

L’idée est séduisante car très cinématographique ; faire exploser des aéronefs sur la façade de hauts bâtiments permet de donner à l’attaque une dimension très spectaculaire et – oserais-je le dire ? – esthétique. Les boules de feu résultant des explosions, les volutes de fumée s’élevant vers le ciel, tout cela est propice à des cadrages qui marquent les esprits, la contre-plongée renforçant l’impression de terreur car le spectateur, se situant en-dessous de la scène d’explosion, se sent d’autant plus vulnérable et donc pris dans l’action. Mais ceci est un commentaire qui dépasse mon champ de compétences ; venons-en à la vraisemblance scientifique.

Je vois malgré tout un problème à ces attaques aériennes, résultant des natures fondamentalement opposées d’un bâtiment et d’un aéronef. Le premier, ayant pour fonction de rester debout tout en supportant son propre poids comme celui des meubles et des occupants, mais aussi suivant les lieux de construction, à résister aux vents violents ainsi qu’aux séismes, est par nature une construction lourde – à moduler, bien sûr, en fonction de la pesanteur sur Sibaïag – car même ce qu’on appelle une “construction légère” dans le secteur du bâtiment ne l’est que par comparaison avec des constructions très lourdes : ainsi, les gratte-ciel terrestres sont incontestablement plus légers, à volume égal, que les constructions anciennes en pierre. Inversement, un aéronef ayant pour fonction de voler, sa construction sera la plus légère possible et n’utilisera pas les mêmes matériaux ; on retrouvera souvent les alliages d’aluminium, alors que le bâtiment utilisera l’acier, de densité trois fois supérieure. Cela ne signifie pas que la masse volumique moyenne du bâtiment – qui comprend, par nature, beaucoup de vide – soit nécessairement supérieure à celle d’un aéronef – qui comporte des parties denses, comme ses moteurs – mais que l’armature du bâtiment est beaucoup plus robuste que la structure de l’aéronef qui, en dehors de certaines parties bien particulières (moteurs, trains d’atterrissage), n’est dimensionnée que pour résister aux contraintes aérodynamiques du vol.

Ceci va poser problème s’il s’agit de faire croire que les dégâts importants infligés au BHL par explosifs viennent des aéronefs directement (et non d’armes destructrices qu’ils transporteraient). En effet, pour que ces dégâts ne se limitent pas à égratigner la façade, il faudrait déjà que l’énergie cinétique des aéronefs soit extrêmement importante, mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante. Posons-la néanmoins, et remarquons tout de suite le piège qu’elle recèle : il peut être tentant de prendre pour les insertions vidéo les plus gros aéronefs de Sibaïag et de les faire arriver à leur vitesse maximale. Ce serait une erreur ! En effet, sur Sibaïag comme sur toute planète, l’atmosphère connaît un gradient de pression en raison de la gravitation. Les aéronefs l’exploitent donc, en étant conçus pour se déplacer à vitesse maximale en altitude, là où les gaz atmosphériques sont moins denses. Ils ne peuvent en aucun cas atteindre cette vitesse maximale au ras du sol (ou à l’altitude d’un gratte-ciel construit au niveau de la mer), ni leur structure ni leur motorisation ne le permettant. Il est donc exclu, si l’on souhaite un scenario plausible, de les faire arriver à pleine vitesse, ce qui limite leur énergie cinétique, qui comme vous le savez varie comme le carré de la vitesse.

Nous aurons donc des aéronefs, éventuellement gros, arrivant – virtuellement, puisque tel est le scénario – à vitesse plutôt modérée dans les façades du BHL. En dehors de leurs parties denses et robustes – les moteurs et trains d’atterrissage principalement – ils ne sauraient y faire des dégâts énormes, et certainement pas disparaître à l’intérieur : les extrémités des ailes, de l’empennage, parties légères et peu robustes, ne peuvent que se fracasser contre les façades avant de retomber à l’extérieur. Cette scène me paraît extrêmement difficile à réaliser numériquement en quasi-direct de façon réaliste pour une diffusion simultanée sur les canaux de la PUTE ; à moins de penser que les moyens de calcul sur Sibaïag ont plusieurs générations d’avance par rapport à ceux que nous connaissons sur Terre. Ce qui n’est évidemment pas impossible, puisque nous sommes dans une fiction d’époque indéterminée ; mais même dans ce cas, nous nous heurtons à une impossibilité logique : si les images diffusées montrent de larges parties de voilure s’aplatir sur les façades au lieu de pénétrer dans le BHL, il sera impossible à expliquer par la suite que ces morceaux d’aéronefs n’ont pas été retrouvées dans les rues. Il est donc, au final, impératif pour votre scénario de violer les lois de la physique, en diffusant des images d’aéronefs s’engouffrant dans le BHL comme dans un rideau de fumée, afin de les faire disparaître entièrement, d’abord provisoirement à l’intérieur du bâtiment, puis définitivement lorsque l’ANUS du BHL aura réduit en poussière le BHL lui-même.

2. La menace nucléaire attribuée aux Kamelreiter

Cette idée me semble tout bonnement géniale. En effet elle utilise la crédulité du Président Muschi pour lui faire commettre un crime de masse tout en pensant sauver des vies humaines, ce qui constitue un piège diabolique. Ce n’est évidemment pas un avis scientifique que j’exprime là, mais en tout cas du simple point de vue logique la machination fonctionne très bien, et procure pour la suite des épisodes un ressort dramatique très intéressant : le spectateur saura que le BHL a été détruit par l’ANUS sur ordre du Président lui-même mais qu’il ne peut pas le reconnaître, et se trouve entraîné avec tous les officiels, contre son gré, dans une suite de mensonges qui protègeront les véritables auteurs des attentats. Le chantage est parfait, car personne n’a intérêt à dévoiler la vérité. Mais il faut tenir compte des conséquences spectaculaires de ce mode de destruction, qui ne manqueront pas de faire apparaître pour les habitants d’Akirema un peu curieux – et surtout rigoureux – des contradictions flagrantes avec l’alibi présidentiel. Je vais développer ce point, qui m’obligera à rentrer dans des détails plus techniques. Mais après tout, vous me payez pour ça !

À suivre : la destruction du BHL par l’ANUS

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