[Note de l’administrateur de ce blog : cet appel a été publié le 2 décembre dans le journal Le Monde où sa lecture complète est “réservée aux abonnés”… merci donc au Réseau Voltaire d’en avoir fourni l’intégralité. Depuis, la résolution en question a hélas été adoptée le 3 décembre (par peu de voix, 154 députés ont voté pour sur les 577 que compte l’assemblée) mais cette trahison de la France et de ses valeurs universalistes par quelques vendus (voir en particulier ici le portrait de Sylvain Maillard, l’auteur du projet de résolution) doit en réalité, si l’on prend quelque recul, être perçue comme une victoire à la Pyrrhus d’un lobby à bout de souffle.
En effet, et l’appel d’universitaires juifs ci-dessous le prouve, c’est parce qu’aucun argument ni rationnel ni moral ne peut justifier sa position que le lobby sioniste est contraint de recourir à des tentatives aussi grotesques que celle consistant à criminaliser l’antisionisme au nom de la lutte contre l’antisémitisme. On peut en outre se demander de quel (anti-)sionisme il est question, tant l’écart est grand entre le projet sioniste originel – voir ici ce qu’en disait Theodor Herzl, qui a de quoi surprendre nombre de nos contemporains – et celui mis en œuvre par le pseudo-État ouvertement raciste, colonialiste et imperméable au droit international qui s’est octroyé le nom d’Israël.
Sur un plan plus franco-français, on peut aussi trouver intéressant que la classe politique démontre par ce vote sa médiocrité (terme éminemment “gentil”) et sa propension à défendre tout sauf les intérêts du peuple français. De plus en plus de citoyens en sont conscients, mais il existe encore une part trop importante d’entre eux qui refusent de voir ce qu’est réellement la France d’aujourd’hui : un pays occupé. Or qui dit occupation, dit collaboration. Que les membres les plus actifs de cette collaboration laissent des traces de leur zèle à travailler contre la France n’est pas forcément une mauvaise chose, cela clarifie la situation et permet à ceux qui défendent un certain idéal français (fait d’universalisme, d’esprit frondeur et de légèreté) de mieux connaître leurs ennemis. Ou leurs amis, car on a pu également remarquer parmi les interventions publiques des députés quelques remises en ordre salutaires, comme celles de Jean-Paul Lecoq, de Michèle Victory, d’Éric Coquerel ou de Stéphane Peu.]
Le 3 décembre, l’Assemblée nationale va débattre et voter une proposition de résolution sur la lutte contre l’antisémitisme.
Cette résolution est hautement problématique.
Nous, universitaires et intellectuels juifs, d’Israël et d’ailleurs, dont beaucoup de spécialistes de l’antisémitisme et de l’histoire du judaïsme et de l’Holocauste, élevons notre voix contre cette proposition de résolution.
La montée de l’antisémitisme dans le monde, y compris en France, nous préoccupe profondément. Nous considérons l’antisémitisme et toutes les autres formes de racisme et de xénophobie comme une menace réelle contre laquelle il convient de lutter avec la plus grande fermeté, et exhortons le gouvernement et le Parlement français à le faire.
Tout en soulignant fermement notre préoccupation, nous nous opposons à la proposition de résolution sur l’antisémitisme pour deux raisons principales, et appelons les députés de l’Assemblée nationale à ne pas y apporter leur soutien.
Premièrement, l’exposé des motifs de la proposition de résolution associe l’antisionisme à l’antisémitisme. Il assimile même l’antisionisme à l’antisémitisme en précisant que « critiquer l’existence même d’Israël en ce qu’elle constitue une collectivité composée de citoyens juifs revient à exprimer une haine à l’égard de la communauté juive dans son ensemble ».
Avant de poursuivre notre argumentation, nous déplorons que l’exposé des motifs désigne Israël comme « une collectivité composée de citoyens juifs ». Environ 20 % de la population d’Israël sont des citoyens palestiniens, dont la plupart sont musulmans ou chrétiens. La désignation choisie occulte et nie leur existence. Nous considérons cette approche comme très problématique, compte tenu également de l’engagement de votre pays en faveur d’une définition de la citoyenneté française qui n’est pas basée sur l’ethnicité.