[Note de l’administrateur de ce blog : une mise au point de Jean-Dominique Michel après les insultes et autres réactions hystériques qu’il a reçues suite à son entretien avec athle.ch.
Analyser froidement et rationnellement la réalité d’une épidémie (et des réactions gouvernementales à cette épidémie), ou se vautrer dans l’émotionnel pur afin d’être bien sûr de ne rien apprendre de cette crise, telle est la question…
On pourra lire aussi avec grand intérêt, du même auteur, “Covid : le Blues des Toubibs”.]
par Jean-Dominique Michel, MSc anthropologie médicale, expert en santé publique, Genève.
J’ai reçu de vigoureuses interpellations dans l’athlétique foulée (1’000’000 de vues en quatre jours !) de l’entretien publié sur les sites PHUSIS et ATHLE.
Celle du Pr Philippe Morel, professeur de chirurgie retraité bien connu des Genevois, grand pionnier des transplantations d’organes. Mais aussi d’autres venant de personnes m’accusant d’irresponsabilité quant aux propos que j’avais tenu et contestant avec conviction mais aussi colère les données que j’indiquais à l’appui de mes analyses. Le message suivant, je crois synthétise bien le fonds du reproche qui m’est fait :
“Tous les scientifiques naviguent a vue avec cette saloperie sauf vous “le messie”.
Je pense que si vous aviez eu la possibilité de passer 24 heures, il y a 10 jours, dans dans un grand service de réanimation Parisien, Madrilène, ou Milanais vous auriez une autre approche des choses.”
Je comprends ces réactions, et je respecte profondément l’émotion qui les fonde. Nous en sommes venus à être méfiants en Occident (et peut-être plus encore en Suisse) à l’encontre des émotions. Je les vois pour ma part comme l’expression toujours légitime de besoins en souffrance. Il convient dès lors de comprendre ce qui les déclenche et à quoi ou à qui elles s’adressent…
Et oui, sincèrement, je comprends ces réactions.Le b.a.-ba de l’épistémologie (comme de l’intelligence émotionnelle et relationnelle) est de savoir que tout point de vue dépend de la place qu’occupe celui qui l’énonce.
Et oui, je comprends tout à fait l’idée qu’un intellectuel bien au chaud dans son bureau, glosant sur la “banalité” d’une épidémie alors que les équipes d’urgences des hôpitaux sont confrontées jour après jour non seulement à la surcharge mais encore à l’horreur de situations cliniques épouvantables, puisse susciter une légitime colère.
Les lecteurs fidèles de mon blog seront témoins que je me suis déjà ouvert du confort possiblement choquant de cette position.
Comme du fait que j’ai dit et redit mon admiration mais aussi mon bouleversement de voir ces équipes de professionnels monter au front pour faire face à l’horreur. Souvent (un peu moins en Suisse il est vrai) avec peu de moyens, dans les conditions si difficiles d’un hôpital public en souffrance chronique et manquant à peu près de tout.
Allant jusqu’au pire de ces situations vécues dans certains Ehpad en France, comme celui à Paris dont un tiers des résidentes et résidents gisaient morts sur leurs lits tandis que les pompes funèbres ne venaient plus chercher les défunts, que le tiers des professionnels étaient eux-mêmes malades ou n’osaient plus venir travailler et que les résidents survivant(e)s vivaient terrés et isolés dans cet enfer sur terre.
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