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Quand le débat est clos (Antipresse)

Jacques-Louis David, «La mort de Socrate (détail)»

Jacques-Louis David, «La mort de Socrate (détail)»

[Note de l’administrateur de ce blog : une fois de plus, je fais profiter à mes lecteurs d’un article de l’Antipresse en principe réservé aux abonnés (façon de suggérer d’en grossir les rangs).

Slobodan Despot n’a pas besoin ici de forcer le trait, tant l’époque est comique. Les futurs historiens auront bien du mal à expliquer — surtout en restant sérieux vu l’aspect grotesque de leur sujet d’étude — comment, dans un monde d’hyperconnectivité et de stockage quasi gratuit et sans limite d’information, a pu se développer une telle soif d’ignorance, y compris et même surtout parmi les cercles intellectuels dont la fonction sociale est d’entretenir le débat. Décidément, Le Tartuffe n’a pas fini d’être une œuvre visionnaire.]


par Slobodan Despot

Réchauffement climatique, minorités sexuelles, crises humanitaires… Sur un nombre croissant de sujets, le questionnement est mis sous la tutelle de la certitude imposée. Mais l’étouffement du débat, même sur des vérités «évidentes», peut entraîner des conséquences imprévues. Ou quand, à force d’avoir raison, on perd la raison.

Je côtoie Suzette Sandoz aux «Beaux parleurs» de la RTS le dimanche et j’ose affirmer qu’on y apprécie son humour et son acuité d’esprit. Ayant été un éminent professeur de droit, Mme Sandoz sait en principe ce que l’esprit critique veut dire. Sur son blog hébergé par Le Temps, elle s’est risquée à appliquer son scepticisme au dogme du réchauffement climatique induit par l’homme, en demandant un «vrai débat». Blasphème! L’espiègle retraitée a essuyé dans les colonnes du même journal l’ire de douze docteurs de la science climatique qui lui ont ordonné de se taire. «Le débat sur le CO2 est clos», décrètent-ils en invoquant l’autorité suprême, le climatocoran : les fameux rapports du GIEC.

(Je précise ici que je suis plutôt de leur côté, mais pas pour les mêmes motifs : je prône la retenue par respect pour la création, non par un réflexe pavlovien de peur, fût-il attisé par des chiffres.)

La jeune Greta Thunberg attire les mégariches comme le sucre attire les guêpes. En juillet dernier, leurs jets privés se bousculaient à Palerme, au «Google camp», notamment pour entendre ses oracles. On a calculé que les 114 vols attendus cracheraient 784 tonnes de CO2 dans la nature. Cela ne concerne pas Greta, qui ne se déplace qu’en train et en bateau. Pour se rendre à New York, elle a pris le voilier. Ses marins et ses souffleurs ont été rapatriés par les airs. Six billets en classe éco, c’est mieux qu’un vol privé, mais ça grince un peu. Elle aurait pu engueuler l’ONU par Skype, non? Ou prendre la bétaillère aérienne comme tout le monde, sans les deux matelots. Un siège d’économisé, c’est déjà ça. Mais ces chipotages n’ont pas lieu d’être s’agissant de la prophétesse de Carbocalypse. Sitôt que Greta fronce le sourcil, l’élite bien-pensante rétracte sa jugeotte comme l’escargot ses cornes. La Science a prouvé sans aucun débat possible que Greta avait raison. On peut donc désormais se passer de la raison! (Et des climatologues, soit dit en passant : ça, ils n’y pensaient peut-être pas en proclamant la clôture du débat.)

A Davos, Greta était la fée du Gondor écolo face au sorcier maudit du Mordor des hydrocarbures, Donald Trump. Elle a rappelé en tapant du pied que le climat devait être sauvé ni en 2050, ni après-demain, mais cet après-midi. Même le vice-président du plus gros fonds d’investissement dans le monde est allé lui lécher les tresses. Sa propre fille, selon M. Philipp Hildebrand, «a dit : c’est bien, papa, mais maintenant il faut des actes». Il faisait allusion au virage vert(ueux) de sa boîte. Lequel virage n’est peut-être pas sans rapport avec le fait que BlackRock, ces dernières années, a enregistré 90 milliards de pertes avec les compagnies pétrolières. Une paille dans son panier, mais un signal fâcheux quand même. Ça, M. Hildebrand ne l’a sans doute pas dit à Greta, pour ne pas troubler sa candeur. M. Hildebrand s’y connaît en cloisonnement de l’information, lui qui dut quitter la tête de la Banque nationale suisse à cause d’une affaire de délit d’initié. Sa cote a dû exploser après cette rencontre : un selfie avec Greta lave plus vert que n’importe quelle agence RP.

Pendant ce temps, Sauron-Trump se félicite de la prospérité arrogante des Etats-Unis avec leur production effrénée de gaz. La Russie continue de forer le grand Nord, les pipe-lines ceinturent la planète, AliBaba nous offre le Black Friday chaque jour depuis la Chine et l’Inde encombre de plastiques ses dernières forêts. Or, comme l’a observé l’historien Niall Ferguson, «60% des émissions de CO2 depuis la naissance de Greta Thunberg sont imputables à la Chine… mais personne n’en parle». De fait, le train de Greta n’a été aperçu ni à Pékin, ni à Delhi. On ne le voit que dans des démocraties livides dont la courbe de CO2 épouse le toboggan démographique. Bref : c’est un jouet.

Notre microcosme européen est peuplé de petits censeurs qui confondent la réalité du monde avec le globe posé sur leur bureau. Mais quand le débat est clos, le bon sens lui aussi se fait la malle. L’unanimisme imposé de la «communauté scientifique» depuis deux décennies sur la question du climat aboutit aux enfantillages hypocrites dont Greta Traindacier est aujourd’hui l’emblème.

2 commentaires sur “Quand le débat est clos (Antipresse)

  1. Si la Chine n’exportait rien, si elle ne fabriquait que ce qui lui est nécessaire, cela ne serait-il pas sans incidence sur sa production de CO2 ?

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