Chroniques des sciences inhumaines et asociales (épisode 7)

[Note de l’administrateur de ce blog : la manif, tradition bien française — comme la grève — n’a pas besoin d’être précisément datée, surtout par les temps qui courent ; aussi celle dont parle ce nouveau texte de Cadet Roussel (écrit il y a quelque temps) ne le sera pas.]


Épisode 7

En revenant de la manif

Quelques tranches de manif, dont je rentre à l’instant.

Tandis que les loches du gouvernement bavent leurs « éléments de langage », la colère et l’émulation stimulent l’inventivité des manifestants : « Le point de non-retour » ; « Notre colère est à point » ; « Projet : retrait. Point ! » ; « Je ne veux pas finir par devoir faire le tapoint » ; « Pas de point dans la gueule » ; « Partir à la retraite, avec des clopinettes, non, non, non, à la réforme Macron » ; « Retraite à point, retraité à poil » (pancarte richement enluminée).
Et bien sûr, grand classique : « Pour eux des couilles en or, pour nous des nouilles encore ».

Quatre hommes portent sur leurs épaules un cercueil (en carton, soyons écolos), décoré sur chaque côté en lettres dorées : « Caisse de retraite ». S’agitant dans le vent d’hiver, un grand squelette en contreplaqué noir affiche le deuil de la retraite par répartition ; la Camarde qui le porte est drapée dans une vaste houppelande, comme un pleurant de tombeau princier. Elle a laissé sa faux chez elle, mais sa démarche est inexorable. Admiratif de sa force, je m’approche : sous son capuchon, la Mort porte une barbiche. Fort comme la Mort.

Delevoye (remplacé pour avoir dissimulé que 13 « associations » — dont un consortium de compagnies d’assurances — le défrayaient, voire le rémunéraient) est la proie des caricaturistes et la cible des moqueurs : « 13 mandats, 13 mandales ». Un prof cravaté tient une pancarte proprement imprimée : « Nous ne voulons pas être la génération qui aura sacrifié les suivantes » ; trop raisonnable et tristounet pour convaincre. Suintant la moraline à la mode. On regrette les manifs du temps jadis, quand les Anars scandaient aux flics : « CRS dispersion, c’est l’heure du feuilleton ! ».

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