La stratégie du choc (Naomi Klein)

[Note de l’administrateur de ce blog : à une époque où les ouvrages de génie civil les plus imposants défient les lois de la physique, où les terroristes prennent soin de garder sur eux leurs papiers d’identité, et si possible de les mettre en évidence sur les lieux de leurs forfaits, et où de grosses poutres de chêne s’embrasent comme un tas de bois arrosé d’essence, il n’est pas inutile de se pencher sur certaines doctrines formalisées depuis longtemps par une oligarchie aux ambitions mondiales, dans le but de maintenir les peuples sous son contrôle.

Ce sera aussi une occasion de se rappeler l’autre 11 septembre, auquel le dernier a (volontairement ?) fait de l’ombre. Et de remarquer que l’invasion de l’Irak a profité notamment à Paul Bremer, l’administrateur de ce pays nommé par le gouvernement des USA, et miraculé de la tour nord du World Trade Center.]


Une fiche de lecture de Onno Maxada

Le dernier livre de Naomi Klein montre pourquoi les crises ne sont pas des périodes de trêve mais plutôt des moments charnières pendant lesquels les peuples doivent être extrêmement vigilants et se préparer à une lutte féroce face à des néolibéraux passés maîtres dans l’art de manipuler les populations déboussolées.

Après nous avoir fait vibrer avec l’aventure des usines autogérées argentines (The Take) et mis à nu les rouages de l’invasion publicitaire et des délocalisations (No Logo), Naomi Klein poursuit sa réflexion sur les évolutions du néolibéralisme et explore les liens entre violence physique, politique et économique dans le système capitaliste contemporain. Dans sa ligne de mire, le “capitalisme du désastre”, qu’elle juge particulièrement dangereux puisqu’il se développe et se renforce au gré des catastrophes (financières, écologiques, guerrières…). Un livre à mettre en toutes les mains, particulièrement en période de crise.

Les deux docteurs chocs

La stratégie du choc s’ouvre sur deux figures, qui servent de fil rouge à l’ensemble du livre. Le premier de ces personnages est Ewen Cameron (1901-1967), un psychiatre dont les travaux, financés par les CIA, ont permis d’élever la torture au rang de véritable science. A force d’expériences (sur des sujets non consentants), Cameron met à jour le principe de la torture moderne : si on parvient à mettre un individu dans un état de choc tel qu’il régresse à l’état infantile, il est possible d’en extirper tout ce qu’on veut. Le psychiatre pense même pouvoir totalement remodeler les individus en effaçant leur mémoire. Pour y parvenir, il a notamment recours aux électrochocs, aux drogues et aux privations sensorielles visant à faire du sujet un étranger au monde qui l’entoure et à lui-même. Si la quête du scientifique est un échec fracassant (ses patients sont tellement brisés qu’il est impossible de les remodeler), les techniques développées s’avèrent très utiles pour la CIA, qui les reprend dans le KUBARK, un manuel destiné à former des générations d’interrogateurs consciencieux et efficaces à travers le monde “libre”.

Le deuxième personnage clef est Milton Friedman (1912-2006), professeur d’économie au sein de la Chicago School of Economics. Comme Ewen Cameron mais dans un autre domaine, il développe une théorie du choc. Celle-ci prône le désengagement de l’Etat de la sphère économique de façon à laisser librement fonctionner les mécanismes du marché. En d’autres termes, il se fait l’avocat d’un capitalisme sauvage en totale rupture avec les théories keynésiennes et tiers-mondistes très populaires dans les années 1950 et 1960. Dans le contexte de la Guerre Froide, son intransigeance lui permet de bénéficier du soutien de grandes compagnies américaines intéressées par le développement d’une contre-offensive idéologique, particulièrement sur le continent sud-américain.

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Entretien avec Fabrice Thomas, ex-amant de Pierre Bergé (E&R)

[Note de l’administrateur de ce blog : j’ai changé le titre originel de l’article, un peu long (Fabrice Thomas, ex-amant de Pierre Bergé : “Une minute de jouissance dans les bras d’un succube est un pacte avec le diable toute votre vie”).

Attention, âmes sensibles s’abstenir. En matière de sexualité, la fantaisie est grande, et l’on considère généralement que peu de choses sont répréhensibles entre adultes consentants. Cependant, au-delà d’un certain niveau de perversion, lorsque des “adultes consentants” sont des personnes fragiles se faisant littéralement torturer, physiquement et psychiquement, par des psychopathes dominateurs sans la moindre limite morale1, ne pas dénoncer ces derniers est criminel.

Fabrice Thomas a pu voir de près comment Yves Saint Laurent a été vampirisé par Pierre Bergé, et ce qu’il raconte, bien qu’édulcoré d’après lui, est insoutenable. Quiconque peut après cela continuer à présenter Pierre Bergé comme un simple “mécène”, un milliardaire “de gauche” ayant dépensé sa fortune pour des causes “progressistes”, est un grand malade. Ce témoignage est aussi une preuve accablante de l’état de corruption de nos “élites” politiques et médiatiques, particulièrement à gauche : si tant de personnalités ont pu – et peuvent encore – dire du bien de Pierre Bergé en fermant les yeux sur le comportement de psychopathe de ce dernier, qui ne pouvait pas être ignoré des cercles du pouvoir, ce n’est pas parce qu’elles l’approuvaient, mais parce qu’elles dépendaient de ses largesses financières.

Il n’y a pas que les États-Unis d’Amérique qui soient devenus, comme le dit un de leurs anciens présidents, “juste une oligarchie, avec un pouvoir de corruption illimité qui constitue le cœur du système pour obtenir des nominations à la présidence ou être élu président.”]


Fabrice Thomas vient de sortir un livre sur sa relation double avec Pierre Bergé et Yves Saint Laurent. Il révèle la sexualité déviante du créateur et de son « maître », comme on dit dans le milieu SM. Si le sadomasochisme est une pratique autorisée entre adultes consentants, la violence morale et physique qu’Yves et Fabrice ont subie de la part de Pierre Bergé va bien au-delà : il s’agissait d’une entreprise de destruction de l’autre, destruction physique autant que psychique.

Avant de répondre à nos questions, Fabrice Thomas a voulu faire une mise au point :

« Il est évident que j’ai dû édulcorer et souvent tamiser au point où souvent la fiction rattrape la réalité. Dans un pays comme la France, on serait en droit de s’attendre à la liberté d’expression, surtout en ce qui concerne la dénonciation d’abus flagrants. Il n’en est rien.

Vous faites état du caractère quasi sacré de Pierre Bergé, le gosse qui se présenta devant ce personnage qui tutoyait le Président de la République était une proie facile pour ce prédateur, mon père avant moi avait pavé le chemin, et toute mon histoire familiale tournait autour de Pierre Bergé et Yves Saint Laurent. »

E&R : Qu’est-ce que Yves Saint Laurent et Pierre Bergé ont révélé de vous, en vous ?

Fabrice Thomas : Difficile de répondre avec précision, moi qui étais un affamé affectif au vu de mon enfance torturée et qui pensais trouver la sécurité, une stabilité et aussi trouver un lien avec un groupe, j’ai vu mon conte de fées se transformer en conte de fesses. Moi qui n’avais qu’un jean et un t-shirt je me retrouve avec des vêtements hors de prix ; moi qui étais souvent resté sur ma faim, je mange du caviar à la louche. Pierre Bergé faisait état de sa puissance quand il m’enleva en hélico pour ses sessions de dressage au château Gabriel [1]. J’ai fait les choses par instinct, mon père m’avait formaté dans ma prime jeunesse à la torture physique et morale.

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