Le coup d’État technologique (Journal de Coronafoirus, 6e semaine) — L’édifiante histoire du naufrage Theranos (Antipresse)

[Note de l’administrateur de ce blog : le “Journal de Coronafoirus” est un échappatoire hebdomadaire délicieux offert par l’Antipresse à l’obscurantisme scientiste ambiant, dont je reproduis ici un extrait. Il permet non seulement de se détendre mais aussi d’entrevoir les raisons de l’effondrement prochain de la psychose COVID-19 et avec lui, des projets délirants et totalitaires d’une hyperclasse hors-sol.

L’éternel retour du réel, en somme. Et n’oubliez pas de soutenir l’Antipresse en vous y abonnant !]


2 mai 2020. Samedi. Elizabeth Holmes passait pour l’un des rares génies féminins — sinon le seul — de la Silicon Valley. On l’appelait le Steve Jobs de la médecine. Elle favorisait la comparaison en portant hiver comme été un col roulé noir, comme son modèle. Comme son modèle, elle était habitée par une idée à la fois populaire et sophistiquée qui allait révolutionner la vie de tous : elle voulait rendre l’analyse du sang universellement accessible — et même l’intégrer à l’équipement domestique. Son invention consistait à comprimer l’équivalent d’un labo d’analyses sanguines dans un boîtier à peine plus grand qu’une machine à espresso. Il suffisait de prélever une goutte de sang au bout d’un doigt, de manière quasi indolore, et Edison faisait le reste : des centaines de tests en moins de temps qu’il ne faut pour se mettre un sparadrap.

Adieu terrifiantes aiguilles, adieu fioles, adieu attentes sans fin…

Sur cette promesse, Elisabeth avait recruté une équipe de biologistes et d’ingénieurs du plus haut niveau et implanté son label Theranos à deux pas des géants de la tech. Le board de sa compagnie se composait de noms retentissants tels George Schultz, ex-secrétaire d’État à l’économie, William Perry, ex-secrétaire à la Défense, le général James Mattis, David Boies, l’un des plus redoutables avocats des États-Unis, et même le légendaire gourou de la géopolitique Henry Kissinger ! Parmi les investisseurs, l’on retrouvait des figures non moindres, à commencer par des requins de haut vol comme Rupert Murdoch et Warren Buffett. Leur foi dans son projet égalait presque la confiance qu’elle-même s’accordait. Cette poupée Barbie aux grands yeux écarquillés avait fait la couverture de tous les magazines. Elle avait levé sur les promesses de son minilabo quelque 700 millions de dollars. En 2015, à 31 ans, elle était devenue selon Forbes la plus jeune milliardaire à ne pas avoir hérité de sa fortune. Détentrice d’une moitié des actions de Theranos, elle «pesait» alors 4,5 milliards. Personne n’avait jamais fait mieux.

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