Allez donc à Gaza, plutôt qu’à Tel Aviv ! (Gideon Levy)

Dans sa campagne de bombardements en décembre 2008 et janvier 2009, Israël a massacré plus de 500 enfants dans la bande de Gaza - Photo : Archives

Dans sa campagne de bombardements en décembre 2008 et janvier 2009, Israël a massacré plus de 500 enfants dans la bande de Gaza – Photo : Archives

[Note de l’administrateur de ce blog : le 27 janvier, date anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, a été déclaré journée internationale du souvenir de l’Holocauste par l’Assemblée générale des Nations-Unies en 2005. Pour une raison que l’on ignore — mais on a quand même quelques idées sur qui s’y oppose — il n’y a pas encore de journée internationale du souvenir de la Nakba.]


par Gideon Levy

On n’y trouve pas d’holocauste, seulement l’apartheid. Pas d’anéantissement, mais le traitement brutal et systématique de toute une nation. Ce n’est pas Auschwitz, mais c’est Gaza.

Il est très important de se souvenir du passé; il est tout aussi important de connaître le présent sans fermer les yeux.

Les dizaines d’hommes d’État arrivés en Israël mercredi peuvent se souvenir du passé, mais ils brouillent le présent. Dans leur silence, dans leur mépris de la réalité en se mettant inconditionnellement en file aux côtés d’Israël, ils ne trahissent pas seulement leurs fonctions, mais ils trahissent également la mémoire du passé au nom duquel ils sont venus ici.

Être les invités d’Israël sans mentionner ses crimes; commémorer l’Holocauste tout en ignorant ses leçons; visiter Jérusalem sans se rendre dans le ghetto de Gaza le jour du souvenir international de l’Holocauste… Comment imaginer plus grande hypocrisie.

Il est positif que des rois, des présidents et autres notables se soient déplacés en l’honneur de ce jour du souvenir. Il est déplorable qu’ils ignorent ce que les victimes de l’Holocauste infligent à une autre nation.

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Notre-Dame : trois inquiétudes venues d’Allemagne
(La Tribune de l’Art)

[Note de l’administrateur de ce blog : les Français devront-ils compter sur des interventions étrangères pour ramener leurs dirigeants à la raison ?

On mesure ici le gouffre qui sépare ceux pour qui compte le temps long, la Tradition dans ce qu’elle a de plus noble, et de plus respectueux envers ceux qui nous ont précédé, et ceux qui ne vivent que dans l’instant de leur gloire personnelle… c’est-à-dire dans un désert ethnologique et historique, dans un vide humain qui seul leur permet de se trouver grands.

Et ce sont en général les mêmes qui ont toujours à la bouche un “devoir de mémoire”… très sélectif.]


Gabi Dolff-Bonekämper est professeur de conservation et de patrimoine urbain à l’Université Technique de Berlin. Elle nous a envoyé le texte suivant, écrit directement en français.

Notre-Dame de Paris est le centre d’une communauté patrimoniale qui s‘étend bien au delà des frontières de la France et de l’Europe. Toute cette communauté, à laquelle je m’associe, a ressenti le choc émotionnel lors de l’incendie et participe maintenant à la consternation et à la stupeur face à la perte ainsi qu’à la volonté d’une restauration soigneuse. Véritable patrimoine mondial, Notre Dame de Paris mérite le grand effort collectif de réflexion, d’engagement et de soin des experts de la France et du monde entier, qui est en train de se former.

Trois choses me préoccupent.

D’abord les éléments de la « forêt » brûlée : ces arbres, coupés et mis en place autour de l’an 1200, ont, même brûlés, une grande valeur historique, scientifique et affective. On les voit sur les photos récentes ayant chuté sur le sol de la nef, en dessous des travées des voûtes effondrées, et beaucoup doivent encore se trouver sur les voûtes restées en place, où ils pèsent lourd, et doivent être rapidement enlevés. Je voudrais être sûre que ces poutres, autrefois puissantes et vigoureuses, maintenant carbonisés, mais reconnaissables, soient bien gardées, qu’on leur attribue un statut d’honneur et qu’on les fasse étudier par les archéologues des structures de construction en bois. Ils sont, vestiges de la « forêt » de Notre Dame, un lieu de mémoire pour nous tous.

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American Holocaust :
un livre injustement méconnu dans la francophonie

Massacre de Sand Creek, 29 novembre 1864

Massacre de Sand Creek, 29 novembre 1864

En cette journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste – lequel ? ce n’est pas précisé – il est utile, voire nécessaire, d’aller un peu au-delà de la propagande officielle, désespérément sioniste donc nombrilo-centrée, pour remettre en perspective le génocide nazi – dont il est question – dans l’histoire humaine, qui en compta d’autres, et pas des moindres.

N’étant ni historien ni en passe de le devenir, je me bornerai ici à faire une petite traduction d’une fiche de lecture, initialement en anglais, d’un livre écrit dans la même langue par David Stannard, professeur d’études américaines à l’université de Hawaï et auteur d’un très remarqué American Holocaust paru en 1992 chez Oxford University Press. Il y met en perspective l’ampleur de ce massacre à l’échelle d’un continent et de quatre siècles et qui fit, d’après ses recherches, de l’ordre de 100 millions de victimes humaines.

Voici cette fiche de lecture, rédigée initialement en anglais par Guido G. B. Deimel :


Qui était Christophe Colomb ? Chaque écolier sait qu’il a découvert l’Amérique. Mais en réalité l’Amérique avait été découverte par les « Indiens » d’Amérique des millénaires auparavant. Qu’auraient dit les Espagnols du seizième siècle si des Indiens avaient accosté sur leur rivage et avaient proclamé avoir découvert l’Europe ?

Qui sait que Colomb, avant sa carrière de navigateur, avait pour profession marchand d’esclaves et deviendrait un croisé personnellement responsable du massacre d’un demi-million d’Indiens, et que c’était déjà lui qui introduisit ces mesures généralement attribuées à d’autres conquistadors plus tardifs, comme l’esclavage des Indiens ou la chasse aux Indiens avec des chiens ?

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