Les racines du sionisme chrétien américain 2/2
(le saker francophone)

[Note de l’administrateur de ce blog : seconde partie de l’excellent article de Christopher Pisarenko sur les convergences idéologiques entre les États-Unis et Israël, deux puissances qui, rappelons cette évidence, se sont construites sur la négation des droits, voire de l’existence, de peuples autochtones. Le fanatisme religieux n’en finit pas de faire des victimes, même et surtout à l’ère de la high-tech. On retiendra notamment ce passage :

“Lorsque, au début du XXe siècle, les États-Unis assistèrent à la formation politique de l’État juif naissant par la déclaration Balfour de 1917, une philosophie millénariste distincte se manifesta de nouveau. Les dirigeants évangéliques sont devenus de plus en plus fermes dans leur soutien au peuple juif pour conquérir la Palestine et pour déposséder et même exterminer tous les musulmans parce que, selon eux, les juifs sont le « peuple élu » de Dieu. Les comparaisons ont été facilement faites (alors que de plus en plus de « colons » juifs ont immigré en Palestine) entre ce que les juifs faisaient aux Arabes et ce que les colons américains avaient déjà fait à la population indigène de l’Amérique du Nord.”

Comme le remarque l’auteur, le soutien inconditionnel des États-Unis à Israël ne s’explique pas par un “piratage” total de ses institutions par le lobby juif sioniste américain, et notamment l’AIPAC, même si comme je l’ai déjà signalé certains juifs se vantent d’un tel contrôle – mais il existe des vantards dans tous les groupes humains. La puissance et la nocivité d’un tel lobby existent bel et bien en France – j’en sais quelque chose – où elles heurtent de front les valeurs affichées de la République Française, sa devise et sa laïcité ; mais en comparaison, on peut dire que le “cas américain” est davantage un exemple de synergie qu’un exemple de piratage. Et, selon l’auteur, c’est pire : alors que des juifs antisionistes comme Norman Finkelstein anticipent – et souhaitent – la fin du soutien américain à Israël au fur et à mesure que les atrocités commises par Israël se répandront dans les media, Christopher Pisarenko affirme que le soutien américain à Israël ne prendra jamais fin, et ceci pour des raisons profondément religieuses, qui constituent également la base idéologique de l’attitude impérialiste américaine.

On pourrait peut-être ajouter, l’éternité n’étant jamais un concept pertinent en politique – qu’on songe à ce qu’il advint du “Reich de mille ans” – que ce soutien prendra fin par effondrement de l’un ou de l’autre, ou des deux. Ce qui semble déjà bien entamé, économiquement pour l’un, idéologiquement pour l’autre.

Terminons cette introduction par une anecdote : j’eus un jour affaire à un mormon américain, d’abord sans le savoir. Un ingénieur sorti de la Brigham Young University qui hantait, comme moi, des forums consacrés aux automobiles hybrides et électriques, au tout début des années 2000. Ayant repéré parmi les intervenants ceux dont les connaissances techniques semblaient solides – dont moi-même – il constitua une liste de diffusion restreinte et entreprit de nous faire participer à un projet grandiose qui règlerait les problèmes énergétiques de l’humanité. Naturellement circonspect – je ne vois aucune raison à ce jour de remettre en cause les premier et deuxième principes de la thermodynamique, et toute source d’énergie “miraculeuse” me fait froncer les sourcils – je finis à force de questions par en savoir un peu plus sur l’état de ses “recherches”. Bien entendu, cela ne fonctionnait pas encore tout à fait, mais il s’agissait d’une source d’énergie électrique gratuite et inépuisable. Et dont la première application serait démontrée dans le cadre de son activité professionnelle : fournir les quelques mégawatts nécessaires aux congélateurs à poulets géants d’une chaîne de fast food. Cette association baroque entre technique “de pointe” (voire de science-fiction), religion sectaire et l’une des armes de destruction massive de la santé les plus abouties de la société américaine m’avait, je dois dire, autant amusé qu’inquiété.]


Au cours du dix-neuvième siècle, deux mouvements religieux typiquement américains ont vu le jour : le mormonisme et l’adventisme du septième jour (c’est-à-dire le millénarisme). Une des choses qui ressort vraiment du mormonisme, en particulier dans le contexte de l’interprétation de la prophétie judéo-centrique, est que les premiers mormons (Joseph Smith, Orson Hyde et autres) croyaient fermement qu’il y avait deux « peuples élus » : les juifs et les Américains (ou les « Seconds Israélites »). De même, selon le fondateur du mormonisme, Joseph Smith (1805-1844), il y a deux Jérusalem : la Jérusalem biblique originale située en Palestine, et une Nouvelle Jérusalem qui serait un jour établie en Amérique du Nord. Selon Smith, chaque ville abriterait l’un des deux peuples élus de Dieu ; les Juifs recevraient la vieille Jérusalem et les Américains hériteraient de la nouvelle. Les juifs recevraient le royaume terrestre de Dieu en Palestine, et les chrétiens (c’est-à-dire les protestants, et plus spécifiquement les mormons) hériteraient du royaume spirituel. C’est ainsi que les mormons et leur marque distincte de théologie protestante ont réellement commencé à développer une division théologique bien articulée entre juifs et Américains, contrairement à la division millénariste antérieure entre juifs et chrétiens.

Comme mentionné ci-dessus, l’autre mouvement religieux « américain » par excellence est l’adventisme du septième jour fondé par William Miller (1782-1849). Miller était quelqu’un qui s’intéressait énormément à l’interprétation de la prophétie judéo-centrique, et il a en fait « emprunté » le travail de plusieurs écrivains anglais – et même le système de calendrier des juifs karaïstes – afin de faire avancer ses opinions religieuses et, en particulier, de déterminer la date précise de la Seconde Venue qui devait alors inaugurer le règne millénaire du Christ sur terre. Il a particulièrement incorporé plusieurs des écrits du célèbre « Père de la physique classique », Sir Isaac Newton, qui a lui-même dépensé une quantité prodigieuse d’énergie intellectuelle pour examiner et interpréter les prophéties bibliques afin de déterminer la date exacte de la « fin du monde ».

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