[Note de l’administrateur de ce blog : je publie là une traduction d’un texte de Gilad Atzmon qui date du 21 octobre 2016, soit il y a trois semaines, bien avant l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis d’Amérique.
Parce que Gilad Atzmon, musicien de jazz, est en même temps un véritable philosophe – ce qui le distingue notablement de philosophes de fonction qui ne sont que de pitoyables sophistes – sa hauteur de vue et sa profondeur d’analyse sont toujours bienvenues sur les problèmes difficiles. Sur le cas Trump, il ne déroge pas à la règle, en évitant le discours militant pour rester dans une vision historique à long terme.]
——————————— Début de la traduction ———————————
La question de la signification de Trump est différente de questions concernant la personne de Trump ou ce que le candidat républicain représente.
Ce que signifie Trump, c’est à peu près que la moitié des Américains disent que trop c’est trop. La moitié des Américains sont en train d’exprimer une lassitude totale du système et de leur élite dirigeante.
Dans les dernières semaines nous avons appris que Trump avait offensé un grand nombre de femmes. Il était, dit-on, irrespectueux et se comportait grossièrement mal. Cela peut nous apprendre quelque chose sur qui est Trump ; mais le fait que toutes ces révélations embarrassantes aient eu zéro impact sur la popularité de Trump suggère que nous sommes confrontés à une force de la nature. Personne d’autre dans la politique moderne n’aurait survécu à une fraction d’une telle mauvaise publicité. Trump peut bien être un être humain ignoble et irrespectueux, mais pourtant, il paraît invincible.
Trump n’a pas l’éloquence ou le côté brillant de Hillary Clinton ou du Président Obama, mais il parvient à exprimer en seulement quelques mots les idées philosophiques et les critiques les plus profondes du mode de vie occidental. C’était Trump qui nous a rappelé, une fois de plus, que la véritable utopie est en fait la nostalgie. Le slogan de campagne de Trump “Make America great again” [redonner à l’Amérique sa grandeur, NdT] est probablement le rejet existentiel le plus profond des litanies progressistes délirantes. C’est un aveu essentialiste du fait que la recherche d’un futur meilleur puise en réalité ses racines dans le passé, dans la terre, dans les activités de production et dans l’agriculture – à peu près tout ce dont les mammonites de Wall Street étaient heureux de se passer.
Trump a laissé entendre dans le dernier débat qu’il pourrait contester le résultat de l’élection présidentielle américaine s’il perdait. “Je vous tiendrai en haleine”, voilà comment il l’annonça. Encore une fois, Trump n’est pas diplômé en philosophie, mais pourtant, il réussit à lâcher une vipère existentielle dans la pièce.
La Secrétaire d’État Clinton et le Président Obama étaient horrifiés par l’homme qui n’adhère pas à la grande tradition démocratique américaine. Ils avaient probablement raison. Trump remet en question le paradigme entier de l’Amérique, ou plus précisément de l’Occident. La démocratie n’est pas un but pour lui – c’est un moyen plutôt qu’une fin.
Comme la grande majorité de ses soutiens, Trump pense que l’Amérique [du nord, NdT] et sa démocratie sont actuellement pourries. La démocratie américaine est réglée pour servir sa propre oligarchie. Elle renvoie l’image selon laquelle la dystopie dans laquelle nous vivons est le produit de notre “libre choix (démocratique)”.
Tandis que Clinton et Obama communiquent avec persuasion dans l’ordre symbolique, Trump parvient à révolutionner le discours en permanence. C’est une qualité qui est habituellement associée aux artistes et à l’esprit athénien, pas aux nababs de l’immobilier.
Mais est-ce que Trump pense vraiment ce qu’il dit ? Est-il sincère ou joue-t-il un rôle ? Personne ne sait. Mais, bien plus intéressant, personne ne s’en soucie réellement et cela n’a pas vraiment d’importance. Et c’est probablement la véritable signification de Trump.
Donald Trump est un simple véhicule. Cela n’a pas vraiment d’importance si Trump va être le prochain président ou non. L’appel à un changement social radical a été lancé. Il devient maintenant conscient de lui-même.
——————————— Fin de la traduction ———————————
Sur la nécessaire prise de conscience globale de l’humanité, face aux maîtres du discours au service d’une oligarchie prédatrice, voir également sur ce blog :
Espérons qu’il n’aura pas été qu’un printemps orange ou arabe Car ça n’avait pas donné Grand chose .
Des dictatures nouvelles ET GUERRE perpétuelle et industrielle….A l’infinies ,s,s,s
la vipère existentielle lâchée dans la pièce, l’esprit athénien, les mammonites de Wall Street, très bon, très bon les formules… s’il fallait développer il y aurait du travail “philosophique”…
Intéressant de relire ces lignes avec le recul…
Près de 3 ans ont passé, et il faut saluer cette réflexion, qui nous livrait la possibilité d’ouvrir la nôtre.
Un esprit indépendant de l’air du temps, prend de l’épaisseur au fil du temps.