De quoi 2017 est-il le nom ? (Slobodan Despot)

[Note de l’administrateur de ce blog : plutôt que présenter des vœux pour 2018, j’ai pensé qu’il était plus utile d’analyser l’année qui vient de s’écouler, afin peut-être d’être moins pris au dépourvu, moins décontenancé, et moins impuissant face aux événements qui ne manqueront pas d’arriver en 2018. Et pour cela, je n’ai pas trouvé mieux que la prose de Slobodan Despot, dont le Drone décolle pour de bon en ce mois de janvier et que je vous invite à soutenir par un abonnement, comme je l’ai fait.

Je reprends ici un billet double publié les 31 décembre 2017 et 7 janvier 2018 dans Antipresse. La deuxième partie, où il est question de “surréalité”, et en particulier cette phrase : “La stupidité grégaire est devenue aussi obligatoire dans les fonctions publiques que l’était jadis la cravate”, m’a immédiatement rappelé une citation du philosophe français Raymond Ruyer que je mettais en 1992 en exergue d’un des chapitres de ma thèse de sciences physiques. La voici :

Les intoxications par l’instruction sont bien plus graves que les intoxications par les sous-produits de l’industrie. Les encombrements d’information bien plus graves que les encombrements de machines et d’ustensiles. Les indigestions de signes, plus graves que les intoxications alimentaires.

Je ne pensais pas du tout, à l’époque, qu’elle pourrait s’appliquer à une civilisation toute entière.]


Et si le centième anniversaire de la Révolution d’Octobre devait rester dans l’histoire comme l’an 0 de la posthumanité ?

Il neige comme rarement sur mes Alpes et l’Amérique de Nord est envahie d’une vague de froid sans précédent. On nous assure néanmoins — sans préciser les conditions de mesure — que 2017 fut l’année la plus chaude jamais enregistrée. Nous n’en savons rien. Sur ce chapitre comme sur tous les autres, les faits de base sont controversés.

Sur ce chapitre comme sur tous les autres, nous sommes bombardés d’affirmations officielles contrebalancées par des contre-affirmations officieuses. Les médias tendent à réduire cette bataille de l’information à une querelle sur les «faits», or c’est d’un enjeu bien plus profond qu’il s’agit : d’une empoignade dont l’enjeu est la faculté de penser elle-même.

Car pour «se faire une idée», il ne suffit pas de disposer de faits solidement établis. Encore faut-il savoir les lire, autrement dit les lier. Les lier entre eux et les lier à l’ensemble de notre expérience. C’est ce terreau de la conscience souveraine qu’on appelle la culture. Et c’est précisément ce terreau qu’«on» est en train de nous assécher.

Continuer la lecture