Phases terminales (Antipresse)

Slobodan Despot au salon du livre à Genève en 2006

Slobodan Despot, salon du livre,
Genève, 2006

[Note de l’administrateur de ce blog : je reproduis ici un deuxième article d’Antipresse, une lettre d’information dominicale. Vous pouvez (re)lire le premier ici. Comme toujours, Slobodan Despot dit des choses simples et claires, là où l’amphigourisme contemporain noie le sens dans le non-sens. Ce qui n’est pas seulement un désastre intellectuel : hélas, BHL n’est plus seulement ridicule.]


« Tout va bien, vous exagérez. Les phénomènes que vous montez en épingle ne sont pas du tout représentatifs d’une réalité qui vous échappe. Nous, d’en haut, nous voyons l’ensemble du tableau… »

C’est le jingle que les porte-voix de l’officialité s’évertuent à glisser dans chaque intervalle de silence séparant deux aveux de désastre. Mais les pauses se faisant de plus en plus serrées, l’homélie ne va pas tarder à se réduire à « Vos gueules, là-dessous ! »

Eschatologies

Le temps nous est donc compté, non seulement à cause de l’accumulation des signes, mais aussi du fait de ce paradoxe bien connu en zone totalitaire : plus les signes seront ostensibles, et plus il sera interdit de les voir. Les sociétés qui laissent se creuser de tels fossés entre la réalité éprouvée et ses représentations admises n’ont que deux issues possibles, l’implosion ou la guerre jusqu’à l’épuisement. Il se peut que l’Europe occidentale s’offre le luxe de goûter aux deux.

Malgré leurs discours lénifiants, aucun membre de la caste gouvernante n’ose répondre aujourd’hui à une question très simple : « Comment imaginez-vous votre pays et le monde dans dix ans ? » Ils enveloppent l’avenir de formules creuses et ils font bien. Car tout avenir concret envisagé à partir du point où nous sommes leur donnerait tort.

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