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et religion impensée de l’Occident

Biomimétisme, économie de la connaissance
et religion impensée de l’Occident

Le 30 avril 2016, le site Égalité & Réconciliation relayait la conférence – passionnante – donnée par Idriss Aberkane sur le biomimétisme, dans le cadre d’une audition demandée le 25 février 2015 par le Conseil Économique, Social et Environnemental. Idriss Aberkane est “professeur à Centrale-Supélec., chercheur à Polytechnique, chercheur affilié à Stanford et Ambassadeur de l’UniTwin/Unesco pour la section « systèmes complexes »” … ouf ! Difficile d’avoir un CV plus béton, surtout à un âge qui permet encore de parler “comme les jeunes” sans craindre le ridicule. Nous avons donc là une “vedette” du monde universitaire, un “turbo-prof” qui saute d’avion en avion pour honorer tous ses engagements qui, à ce niveau de prestige, ne peuvent évidemment se limiter à un seul continent.

Comme vous pourrez le constater en regardant la vidéo ci-dessous, la conférence du jeune prodige consistait en une demi-heure d’exemples spectaculaires sur les prouesses techniques réalisées par la Nature, et dont nous ferions bien de nous inspirer si nous voulons résoudre nombre de problèmes environnementaux. Avec en fil rouge cette idée simple : si les matières premières sont limitées, la connaissance, elle, ne l’est pas ; il suffit donc de baser la croissance sur la connaissance au lieu de la baser sur l’exploitation des matières premières pour résoudre le conflit entre croissance et épuisement des ressources.

Selon Idriss Aberkane, l’économie de la connaissance obéit à trois règles :

  • les échanges sont à somme positive : autrement dit, celui qui donne des connaissances ne se retrouve pas appauvri par le don, au contraire d’un don matériel ;
  • les échanges ne sont pas instantanés au contraire des échanges matériels et surtout financiers ;
  • les combinaisons de connaissance sont “non linéaires” : là, Idriss Aberkane emploie une formule frôlant la démagogie simpliste : “1 kg de connaissance + 1 kg de connaissance = 3 kg de connaissance” . On aurait préféré une autre unité et un développement plus approfondi du concept…

Mais ne soyons pas outrancièrement perfectionnistes : les exemples cités sont percutants et convaincants, et la conférence donnée par un homme d’un grand talent pédagogique. Cependant… voilà un exposé qui met en lumière, par ce qu’il évite de dire, quel est le véritable tabou de notre civilisation, le dogme absolu d’une religion qui ne se définit pas comme telle et qui, par conséquent, n’en est que plus dangereuse. Lequel ? Tout d’abord, écoutons Idriss Aberkane.

Si l’on en croit ce chercheur, notre civilisation est décidément bien stupide, puisque nous vivons au milieu d’une bibliothèque inestimable que nous détruisons par ignorance, alors qu’il suffirait de lire dans le grand livre de la Nature pour y trouver les solutions à tous nos problèmes, et en particulier des solutions “high-tech” qui peuvent nous enrichir rapidement tout en nous évitant d’épuiser la nature ou même de la salir par nos déchets. Ce qui nous empêche de devenir à la fois riches et écologiquement vertueux ne serait qu’un frein de nature psychologique, la résistance à la nouveauté du savoir liée à la deuxième loi de l’économie de la connaissance.

Et Idriss Aberkane de citer avec gourmandise le cas de cette toxine produite par un coquillage vendu 3 dollars sur les marchés en raison de son seul côté esthétique, alors que la toxine qu’il produit, aux vertus irremplaçables pour certaines applications médicales, se négocie $800 le milligramme soit 800 millions de dollars le kilogramme…

À 7:35, le conférencier prend une perspective historique large histoire de bien nous faire prendre conscience de notre degré d’arriération mentale :

« Pendant les 15 000 dernières années on a exploité essentiellement la nature comme une source de matières premières. Or comme je vous l’ai dit, quand on partage un bien matériel on le divise. Si on exploite la nature comme une source de matières premières, on est destiné à la diviser et à la détruire. Si on l’exploite aussi comme une source de connaissances, eh bien il n’y a plus de conflit d’intérêt entre croissance et nature. »

Bon sang mais c’est bien sûr ! Comment n’y avons-nous pas pensé plus tôt ? Pourquoi sommes-nous encore à gémir à cause d’une croissance en berne alors qu’il suffit de tout baser sur la connaissance pour qu’elle reparte en flèche ? À moins que… serait-ce moins simple et moins radieux que ne le prétend le spot publicitaire Aberkane & Co. ?

Il semble bien que, malgré son CV prestigieux, Idriss fasse quelques raccourcis tellement énormes que personne dans l’assistance ne les voit. Car un être humain a comme besoins essentiels de se nourrir avant toute chose, de se loger et (sous certains climats) de se chauffer, mais aussi de se déplacer, même sans être un turbo-prof comme Idriss. Tout ceci demande de travailler la terre pour produire de la nourriture, d’en extraire des matières premières pour en faire toutes sortes de matériaux, et aussi d’utiliser ses ressources énergétiques comme – au hasard – le pétrole, si pratique pour faire voler les avions dont Idriss goûte probablement la classe affaires.

Car s’il est vrai que la Nature produit tout un tas de merveilles que nous sommes en général bien incapables de reproduire dans nos usines, et qu’il est donc urgent d’étudier, les exemples-chocs cités par Idriss, visant à nous faire croire, notamment, qu’est un crétin fini celui qui se contente encore d’exploiter un pétrole à 50 dollars le baril quand la Nature lui offre une toxine de coquillage à 800 dollars le milligramme, relèvent au mieux d’une naïveté de premier communiant, et au pire d’une arnaque à la Madoff.

Si ces exemples peuvent faire mouche sur un public qui ne semble pas avoir beaucoup de sens critique, c’est uniquement parce que celui qui se consacre à récolter de la toxine à 800 millions de dollars le kilogramme – ou à en parler – peut toujours utiliser la richesse monétaire ainsi générée pour subvenir à ses véritables besoins, et en premier manger, se loger, se déplacer, éventuellement s’offrir des loisirs ou payer de longues études à ses enfants… Et cette conversion de richesses n’est possible qu’en raison de la croyance en la valeur de l’argent. Sans nous en rendre compte, nous basons nos raisonnements sur la croyance que tout est convertible en passant par ces abstractions que sont un dollar ou un euro, alors que ces unités ne traduisent qu’une convention sociale entre individus prêts à échanger une quantité minuscule de toxine de coquillage contre une citerne de liquide noirâtre qui brûle… ou quelques tonnes de blé (le vrai). Mais bien évidemment, si tout le monde se met à récolter la fameuse toxine miraculeuse, et que plus personne ne veut cultiver le blé, les données changent…

Aucune économie ne peut reposer sur la pure connaissance comme tente de le faire croire Idriss Aberkane (car il est visiblement trop intelligent pour l’ignorer) : les besoins de base des êtres humains seront toujours d’ordre matériel, et nécessiteront donc des “prélèvements” sur la Nature nourricière qui ne peuvent pas se ranger dans la catégorie des “échanges à somme positive”. Faire miroiter aux humains des gains faramineux et un avenir radieux en ramenant tout à une abstraction qu’est l’unité de compte monétaire, comme s’il s’agissait là de la véritable mesure de quelque chose, c’est en réalité exprimer sa dévotion au dieu argent, et convier ses semblables à se prosterner devant cette idole.

Il y a un peu plus de 2000 ans, un Palestinien en a eu marre des marchands du temple et a crié bien fort qu’il fallait les foutre dehors. Le temple semble être devenu, aujourd’hui, l’institution universitaire et ses relais médiatiques, et les marchands, tous ceux qui “oublient” d’utiliser leur intelligence pour guider leurs semblables sur la voie de la raison en leur rappelant la véritable hiérarchie des valeurs, qui est celle des besoins fondamentaux de leurs semblables. Mais il est tellement plus facile d’être bien payé à raconter des histoires à dormir debout que mal payé à travailler la terre…

2 commentaires sur “Biomimétisme, économie de la connaissance
et religion impensée de l’Occident

  1. Eh oui, c’est intéressant. L’impensé n’est pas prêt de devenir pensé. Marx avait commencé à le penser mais on utilisé sa théorie comme la toxine à 800 millions… l’homme étant ce qu’il est (pour quelques millénaires encore) il n’avait pas d’autre choix que de faire du “socialisme scientifique”. Aberkanne est incontestablement intelligent mais il a sa tache aveugle comme tous les intelligents. Est-ce que le “Palestinien” d’il y a 2000 ans que vous mentionnez à propos, en avait une? Penser cet impensé un jour de Noël, ça manque pas d’espérance, de foi et de charité. C’est avec cet esprit que je vous lis et vous écoute monsieur Roby en vous remerciant pour ce Noël que je n’avais pas prévu!

  2. La connaissance et l’écoute, le “dialogue” avec son milieu, toutes sensibilités, toutes perceptions activées ou même reposées (sorte de laisser venir, contemplation, non-agir, beaucoup d’attitudes sont possibles et fructueuses…) peuvent toutefois littéralement agrader (opposé à dégrader) les sols par exemple, tout en prenant la part vitale pour nous.
    Ceci laisse entrevoir une relation humaine à la “nature” elle aussi peu pensée, même si la permaculture pose des jalons de choix aujourd’hui.
    Il s’agit alors d’une connaissance pleine peut-être bien à des lieues de ce que raconte le sur-diplômé qui n’est pas là par hasard (pour entretenir les mythes à venir, toujours plus déconnectés…, enfin, façon de parler puisque c’est la super-connexion qui nous est promise).
    Joyeux Noël ! Retour des jours croissants. Merveilles.

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